Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/430

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je n’ai dormi et huit jours que je n’ai pu me déshabiller. Toujours en avant pour les logemens, j’en ai une extinction de voix. Je te demande si c’est dans cet équipage, et quand je te porte tout entière dans mon cœur, que je puis penser à aller faire l’agréable auprès des belles des villages que nous traversons en poste. Ce serait bien plutôt à moi d’être inquiet, si je ne croyais pas à ton amour, si je n’en connaissais pas toute la délicatesse. Ah !

si je me mettais à être jaloux, je le serais même d’un regard de tes yeux, et, pour un rien, je deviendrais le plus malheureux des hommes.

Mais loin de moi cette injure à notre amour ! J’ai reçu, ma chère femme, ta lettre de Sarrebourg. Elle est aimable comme toi, elle m’a rendu la vie et le courage. Que notre Aurore est gentille ! Que tu me donnes d’impatience de revenir pour vous serrer toutes deux dans mes bras ! Je t’en conjure, chère amie, donne-moi souvent de tes nouvelles.

Adresse-moi tes lettres : « à M. Dupin, aide-de-camp du général Dupont, commandant la 1re division du 6e corps, sous les ordres du maréchal Ney. » De cette manière, quelque mouvement que fasse l’armée, je les recevrai. Songe, chère femme, que c’est le seul plaisir que je puisse goûter loin de toi, au milieu des fatigues de cette campagne ; parle-moi de ton amour, de notre enfant. Songe que tu m’arracherais la vie si tu cessais de m’aimer. Songe que tu es ma femme, que je t’adore,