Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/460

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l’enfant rêve dans le sommeil, et il rêve aussi sans doute quand il ne dort point. Du moins il ne sait pas, pendant longtemps, la différence de l’état de veille à l’état de sommeil. Qui peut dire pourquoi un objet nouveau l’égaie ou l’effraie ? Qui lui inspire la notion vague du beau et du laid ? Une fleur, un petit oiseau ne lui font jamais peur ; un masque difforme, un animal bruyant l’épouvante.

Il faut donc qu’en frappant ses sens, cet objet de sympathie ou de répulsion révèle à son entendement quelque idée de confiance ou de terreur qu’on n’a pu lui enseigner ; car cet attrait ou cette répugnance se manifeste déjà chez l’enfant qui n’entend pas encore le langage humain. Il y a donc chez lui quelque chose d’antérieur à toutes les notions que l’éducation peut lui donner, et c’est là le mystère qui tient à l’essence de la vie dans l’homme.

L’enfant vit tout naturellement dans un milieu, pour ainsi dire, surnaturel, où tout est prodige en lui et où tout ce qui est en dehors de lui doit, à la première vue, lui sembler prodigieux. On ne lui rend pas service en hâtant sans ménagement et sans discernement l’appréciation de toutes les choses qui le frappent. Il est bon qu’il la cherche lui-même et qu’il s’établisse à sa manière durant la période de sa vie, où, à la place de son innocente erreur, nos explications, hors de portée pour lui, le jetteraient dans des erreurs plus grandes encore et peut-être à