Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/505

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prochain gîte. Mais cet homme était apparemment habitué à de telles rencontres, qui seraient sans doute bien rares aujourd’hui, en plein printemps, sur les voies de grande communication. Il nous dit que ces animaux n’étaient à craindre qu’en cas de chute, et il nous conduisit au relais sans encombre.

Quant à moi, je n’eus aucune peur. J’avais connu plusieurs ours dans mes boîtes de Nuremberg. Je leur avais fait dévorer certains personnages malfaisans de mes romans improvisés ; mais ils n’avaient jamais osé attaquer ma bonne princesse, aux aventures de laquelle je m’identifiais certainement sans m’en rendre compte.

On ne s’attend pas sans doute à ce que je mette de l’ordre dans des souvenirs qui datent de si loin. Ils sont très brisés dans ma mémoire, et ce n’est pas ma mère qui eût pu m’aider par la suite à les enchaîner, car elle se souvenait moins que moi. Je dirai seulement, dans l’ordre où elles me viendront, les principales circonstances qui m’ont frappée.

Ma mère eut une autre frayeur moins bien fondée, dans une auberge qui avait pourtant fort bonne mine. Je me retrace ce gîte parce que j’y remarquai pour la première fois ces jolies nattes de paille nuancées de diverses couleurs qui remplacent les tapis chez les peuples méridionaux. J’étais bien fatiguée, nous voyagions par une chaleur étouffante, et mon premier mouvement