Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/523

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madrilène qu’on lui avait recommandée comme très sûre, et qui pourtant prenait la clef des champs aussitôt que mes parens étaient dehors. Mon père avait un domestique nommé Weber, qui était bien le meilleur homme du monde, et qui venait souvent me garder à la place de Térésa ; mais ce brave Allemand, qui ne savait presque pas de mots français, me parlait un langage inintelligible, et il sentait si mauvais, que sans me rendre compte de la cause de mon malaise, je tombais en défaillance quand il me portait dans ses bras. Il n’osait pas trahir le peu de soin que ma bonne prenait de moi, et quant à moi, je ne songeais nullement à me plaindre. Je croyais Weber chargé de veiller sur moi, et je n’avais qu’un désir, c’est qu’il restât dans l’antichambre et me laissât seule dans l’appartement. Aussi ma première parole était de lui dire : Weber, je t’aime bien, va-t’en.

Et Weber, docile comme un Allemand, s’en allait en effet. Quand il vit que je me tenais fort tranquille dans ma solitude, il lui arriva souvent de m’y enfermer et d’aller voir ses chevaux, qui probablement le recevaient mieux que moi. Je connus donc pour la première fois le plaisir, étrange pour un enfant, mais vivement senti par moi, de me trouver seule, et, loin d’en être contrariée ou effrayée, j’avais comme du regret en voyant revenir la voiture de ma mère. Il faut que j’aie été bien impressionnée par mes propres contemplations, car je me les rappelle