Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/551

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Ce grand jardin et ce bon air de Nohant m’eurent bientôt rendu la santé. Ma mère me bourrait toujours de soufre, et je me soumettais à ce traitement, parce qu’elle avait sur moi un ascendant de persuasion complet. Pourtant, ce soufre m’était odieux, et je lui disais de me fermer les yeux et de me pincer le nez pour me le faire avaler. Pour me débarrasser ensuite de ce goût, je cherchais les alimens les plus acides, et ma mère, qui avait toute une médecine d’instinct ou de préjugé dans la tête, croyait que les enfans ont la divination de ce qui leur convient. Voyant que je rongeais toujours des fruits verts, elle mit des citrons à ma disposition, et j’en étais si avide que je les mangeais avec la peau et les pepins, comme on mange des fraises.

Ma grande faim était passée, et pendant cinq ou six jours, je me nourris exclusivement de citron. Ma grand’mère s’effrayait de cet étrange régime, mais, cette fois, Deschartres m’observant avec attention, et voyant que j’allais de mieux en mieux, pensa que la nature m’avait fait deviner effectivement ce qui devait me sauver.

Il est certain que je fus promptement guérie, et que je n’ai jamais fait d’autre maladie. Je ne sais si la gale est, en effet, comme le disaient nos soldats, un brevet de santé ; mais il est certain que, toute ma vie, j’ai pu soigner des maladies réputées contagieuses, et de pauvres galeux dont personne n’osait approcher, sans que j’aie