Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/582

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Puis, à Nohant, ne sachant comment remplir de longues journées, ma mère se mit à dessiner, elle qui n’avait jamais touché un crayon. Elle le fit d’instinct, comme tout ce qu’elle faisait, et après avoir copié très adroitement plusieurs gravures, elle se mit à faire des portraits à la plume et à la gouache, qui étaient ressemblans et dont la naïveté avait toujours du charme et de la grâce. Elle brodait un peu gros, mais avec une rapidité si incroyable, qu’elle fit à ma grand’mère, en peu de jours, une robe de percale brodée tout entière, du haut en bas, comme on en portait alors. Elle faisait toutes nos robes et tous nos chapeaux, ce qui n’était pas merveille, puisqu’elle avait été longtemps modiste ; mais c’était inventé et exécuté avec une promptitude, un goût et une fraîcheur incomparables. Ce qu’elle avait entrepris le matin, il fallait que ce fût prêt pour le lendemain, eût-elle dû y passer la nuit : et elle portait dans les moindres choses une ardeur et une puissance d’attention qui paraissaient merveilleuses à ma grand’mère, un peu nonchalante d’esprit et maladroite de ses mains, comme l’étaient alors les grandes dames. Ma mère savonnait, elle repassait, elle raccommodait toutes nos nippes elle-même, avec plus de prestesse et d’habileté que la meilleure ouvrière de profession. Jamais je ne lui ai vu faire d’ouvrages inutiles ou dispendieux comme ceux que font les dames riches. Elle ne faisait ni petites bourses, ni petits