Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/583

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écrans, ni aucun de ces brinborions qui coûtent plus cher quand on les fait soi-même, qu’on ne les paierait tout faits chez un marchand ; mais pour une maison qui avait besoin d’économie, elle valait dix ouvrières à elle seule ; et puis, elle était toujours prête à entreprendre toutes choses. Ma grand’mère avait-elle cassé sa boîte à ouvrage, ma mère s’enfermait une journée dans sa chambre, et, à dîner, elle lui apportait une boîte en cartonnage, coupée, collée, doublée et confectionnée par elle de tous points. Et il se trouvait que c’était un petit chef-d’œuvre de goût.

Il en était de tout ainsi. Si le clavecin était dérangé, sans connaître ni le mécanisme ni la tablature, elle remettait des cordes, elle recollait des touches, elle rétablissait l’accord. Elle osait tout et réussissait à tout : elle eût fait des souliers, des meubles, des serrures, s’il l’avait fallu. Ma grand’mère disait que c’était une fée, et il y avait quelque chose de cela. Aucun travail, aucune entreprise ne lui semblait ni trop poétique ni trop vulgaire, ni trop pénible, ni trop fastidieuse ; seulement elle avait horreur des choses qui ne servent à rien, et disait tout bas que c’étaient des amusemens de vieille comtesse.

C’était donc une organisation magnifique. Elle avait tant d’esprit naturel que, quand elle n’était pas paralysée par sa timidité, qui était extrême avec certaines gens, elle en était étincelante. Jamais je n’ai entendu railler et critiquer