Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/594

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suivis de réactions assez vives. De loin, elles se haïssaient toujours, et ne pouvaient s’empêcher de dire du mal l’une de l’autre. De près, elles ne pouvaient s’empêcher de se plaire ensemble, car chacune avait en elle un charme puissant tout opposé à celui de l’autre.

Cela venait du fond de justice et de droiture qu’elles avaient toutes deux, et de leur grande intelligence qui ne leur permettait pas de méconnaître ce qu’elles avaient d’excellent. Les préjugés de ma grand’mère n’étaient pas en elle-même, ils étaient dans son entourage.

Elle avait beaucoup de faiblesse pour certaines personnes, et ménageait en elles des opinions qu’au fond de son âme elle ne partageait pas. Ainsi, devant ses vieilles amies, elle abandonnait ma mère absente à leurs anathèmes, et semblait vouloir se justifier de l’avoir accueillie dans son intimité et de la traiter comme sa fille.

Et puis, quand elle se retrouvait avec elle, elle oubliait le mal qu’elle venait d’en dire et lui montrait une confiance et une sympathie dont j’ai été mille fois témoin, et qui n’étaient pas feintes ; car ma grand’mère était la personne la plus sincère et la plus loyale que j’aie jamais connue. Mais, toute grave et toute froide qu’elle paraissait, elle était impressionnable ; elle avait besoin d’être aimée, et les moindres attentions la trouvaient sensible et reconnaissante. Combien de fois je lui ai entendu dire, en parlant de ma mère : «