Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/632

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Pourtant, j’éprouvai une sorte de terreur quand je me trouvai sans elle dans cette maison qui recommença à me paraître grande comme dans les premiers jours que j’y avais passés. Il fallut aussi me séparer de ma bonne, que j’aimais tendrement et qui allait se marier.

C’était une paysanne que ma mère avait prise en remplacement de l’Espagnole Cécilia, après la mort de mon père. Cette excellente femme vit toujours et vient me voir souvent pour m’apporter des fruits de son cormier, arbre assez rare dans notre pays, et qui y atteint pourtant des proportions énormes. Le cormier de Catherine fait son orgueil et sa gloire, et elle en parle comme ferait le gardien cicerone d’un monument splendide. Elle a eu une nombreuse famille, et des malheurs par conséquent. J’ai eu souvent l’occasion de lui rendre service. C’est un bonheur de pouvoir assister la vieillesse de l’être qui a soigné notre enfance. Il n’y avait rien de plus doux et de plus patient au monde que Catherine. Elle tolérait, elle admirait même naïvement toutes mes sottises. Elle m’a horriblement gâtée, et je ne m’en plains pas, car je ne devais pas l’être longtemps par mes bonnes, et j’eus bientôt à expier la tolérance et la tendresse dont je n’avais pas assez senti le prix.

Elle me quitta en pleurant, bien que ce fût pour un mari excellent, d’une belle figure, d’une grande probité, intelligent, et riche par dessus le marché ; société bien préférable à celle d’une