Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/635

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mais assidue. On ne me grondait pas, mais on me disait vous, et c’était tout dire. Ma fille, vous vous tenez comme une bossue ; ma fille, vous marchez comme une paysanne ; ma fille, vous avez encore perdu vos gants ! ma fille, vous êtes trop grande pour faire de pareilles choses. Trop grande ! j’avais sept ans, et on ne m’avait jamais dit que j’étais trop grande. Cela me faisait une peur affreuse d’être devenue tout-à-coup si grande depuis le départ de ma mère. Et puis, il fallait apprendre toute sorte d’usages qui me paraissaient ridicules. Il fallait faire la révérence aux personnes qui venaient en visite. Il ne fallait plus mettre le pied à la cuisine et ne plus tutoyer les domestiques, afin qu’ils perdissent l’habitude de me tutoyer. Il ne fallait pas même lui dire vous. Il fallait lui parler à la troisième personne : Ma bonne maman veut-elle me permettre d’aller au jardin ? Elle avait certainement raison, l’excellente femme, de vouloir me frapper d’un grand respect moral pour sa personne et pour le code des grandes habitudes de civilisation qu’elle voulait m’imposer. Elle prenait possession de moi, elle avait affaire à un enfant quinteux et difficile à manier ; elle avait vu ma mère s’y prendre énergiquement, et elle pensait qu’au lieu de calmer ces accès d’irritation maladive, ma mère, excitant trop ma sensibilité, me soumettait sans me corriger.

C’est bien probable. L’enfant, trop