Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/643

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plus éclairé et d’une grande élévation naturelle. Elle voulait former mon goût, et portait sa critique judicieuse sur tous les objets qui me frappaient. Elle me disait : « Voilà une figure mal dessinée, un assemblage de couleurs qui choque la vue, une composition ou un langage, ou une musique, ou une toilette de mauvais goût. » Je ne pouvais comprendre cela qu’à la longue. Ma mère, moins difficile et plus naïve, était en communication plus directe d’impressions avec moi. Presque tous les produits de l’art ou de l’industrie lui plaisaient, pour peu qu’ils eussent des formes riantes et des couleurs fraîches, et ce qui ne lui plaisait pas, l’amusait encore. Elle avait la passion du nouveau, et il n’était point de mode nouvelle qui ne lui parût la plus belle qu’elle eût encore vue. Tout lui allait, rien ne pouvait la rendre laide ou disgracieuse, malgré les critiques de ma grand’mère, fidèle avec raison à ses longues tailles et à ses amples jupes du directoire.

Ma mère engouée de la mode du jour, se désolait de voir ma bonne maman m’habiller en petite vieille bonne femme. On me taillait des douillettes dans les douillettes un peu usées, mais encore fraîches, de ma grand’mère, de sorte que j’étais presque toujours vêtue de couleurs sombres et que mes tailles plates me descendaient sur les hanches. Cela paraissait affreux, alors qu’on devait avoir la ceinture sous les aisselles.