Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/645

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

courage stoïque. Ma bonne maman me trouvait affreuse ainsi, elle était désespérée. Mais elle ne jugea point à propos de se quereller pour si peu de chose, ma mère l’aidant, d’ailleurs, autant qu’elle pouvait s’y plier, à me calmer dans mon exaltation pour elle.

Cela fut facile, en apparence, dans les commencemens, ma mère me faisant sortir tous les jours, et dînant ou passant la soirée très souvent avec moi. Je n’étais guère séparée d’elle que pendant le temps de mon sommeil. Mais une circonstance où ma chère bonne maman eut véritablement tort à mes yeux, vint bientôt ranimer ma préférence pour ma mère.

Caroline ne m’avait point vue depuis mon départ pour l’Espagne, et il paraît que ma grand’mère avait fait une condition essentielle à ma mère, de briser à jamais tout rapport entre ma sœur et moi. Pourquoi cette aversion pour un enfant plein de candeur, élevé rigidement, et qui a été toute la vie un modèle d’austérité ? Je l’ignore, et ne peux m’en rendre compte même aujourd’hui. Du moment que la mère était admise et acceptée, pourquoi la fille était-elle honnie et repoussée ?

Il y avait là un préjugé, une injustice inexplicables de la part d’une personne qui savait pourtant s’élever au-dessus des préjugés de son monde, quand elle échappait à des influences indignes de son esprit et de son cœur. Caroline était née longtemps avant que mon père