Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/84

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Mais la nature se refusa à son zèle. Elle n’eut pas de lait, et, pendant quelques jours, qu’en dépit de plus atroces souffrances elle s’obstina à faire téter son enfant, elle ne put le nourrir que de son sang. Il fallut y renoncer, et ce fut pour elle une violente douleur, et comme un sinistre pronostic.

Receveur général du duché d’Albret, M. Dupin passait, avec sa femme et son fils, une partie de l’année à Châteauroux. Ils habitaient le vieux château qui sert aujourd’hui de local aux bureaux de la préfecture, et qui domine de sa masse pittoresque le cours de l’Indre et les vastes prairies qu’elle arrose. M. Dupin, qui avait cessé de s’appeler Francueil depuis la mort de son père, établit à Châteauroux des manufactures de drap, et répandit par son activité et ses largesses beaucoup d’argent dans le pays. Il était prodigue, sensuel, et menait un train de prince. Il avait à ses gages une troupe de musiciens, de cuisiniers, de parasites, de laquais, de chevaux et de chiens, donnant tout à pleines mains, au plaisir et à la bienfaisance, voulant être heureux, et que tout le monde le fût avec lui. C’était une autre manière que celle des financiers et des industriels