Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/93

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France, lorsqu’elle courut aux frontières, le saisit un des premiers, et fit de sa subite transformation un miracle entre mille.

Quand la révolution commença à gronder, ma grand’mère, comme les aristocrates éclairés de son temps, la vit approcher sans terreur.

Elle était trop nourrie de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau pour ne pas haïr les abus de la cour. Elle était même des plus ardentes contre la coterie de la reine, et j’ai trouvé des cartons pleins de couplets, de madrigaux et de satires sanglantes contre Marie-Antoinette et ses favoris. Les gens comme il faut copiaient et colportaient ces libelles. Les plus honnêtes sont écrits de la main de ma grand’mère, peut-être quelques-uns sont-ils de sa façon : car c’était du meilleur goût de composer quelque épigramme sur les scandales triomphans, et c’était l’opposition philosophique du moment qui prenait cette forme toute française. Il y en avait vraiment de bien hardies et de bien étranges. On mettait dans la bouche du peuple et on rimait dans l’argot des halles des chansons inouïes sur la naissance du Dauphin, sur les dilapidations et les galanteries de l’Allemande ; on menaçait la mère et l’enfant du fouet et du pilori.

Et qu’on ne pense pas que ces chansons sortissent du peuple ! Elles descendaient du salon à la rue. J’en ai brûlé de tellement obscènes, que je n’aurais osé les lire jusqu’au bout, et celles-ci, écrites de la