Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/76

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des gendarmes et du procureur du roi. Je suis un vieux de la vieille roche, et je ne crois pas qu’avec leur loi contre le sacrilége ils aient réussi à faire aimer la religion. Je ne tracasse personne et ne me laisse guère tracasser non plus. Je n’aime pas l’eau dans le vin et ne force personne à en mettre. Si l’archevêque n’est pas content, qu’il le dise, je lui répondrai, moi ! Je lui montrerai qu’on ne fait pas marcher un homme de mon âge comme un petit séminariste ; et s’il m’ôte ma paroisse, je n’irai pas dans une autre. Je me retirerai chez moi. J’ai huit ou dix mille francs de placés. C’est assez pour ce qui me reste de temps à vivre, et je me moquerai bien de tous les archevêques du monde. »

En effet, l’archevêque étant venu donner la confirmation à Saint-Chartier, et déjeûnant chez le curé avec tout son état-major, monseigneur voulut plaisanter son hôte, qui ne se laissa point faire. « Vous avez quatre-vingt-deux ans, monsieur le curé, lui dit il, c’est un bel âge ! — Oui-dà, monseigneur, répliqua le curé, qui ne se faisait pas faute de quelques liaisons hasardées dans le discours : vous avez beau z-être archevêque, vous n’y viendrez peut-être point. » L’observation du prélat voulait dire au fond : Vous voilà si vieux que vous devez radoter, et il serait temps de laisser la place à un plus jeune. — Et la réplique signifiait : Je ne la céderai point que vous ne m’en chassiez, et nous verrons