Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/91

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plupart des dévots. La dévotion est une exaltation de nos facultés mentales, comme l’ivresse est une exaltation de nos facultés physiques. Tout vin enivre quand on boit trop, et ce n’est pas la faute du vin. Il y a des gens qui en supportent beaucoup et qui n’en sont que plus lucides ; il en est d’autres qu’une petite dose rend idiots ou furieux, mais, en somme, je crois que le vin ne nous fait révéler que ce que nous avons en nous de bon ou de mauvais, et le meilleur vin du monde fait mal à ceux qui ont la tête faible ou le caractère irritable.

L’exaltation religieuse, sur quelque dogme qu’elle s’appuie, est donc un état de l’âme sublime, odieux ou misérable, selon que le vase où fermente cette brûlante liqueur est solide ou fragile. Cette surexcitation de notre être fait de nous des saints ou des persécuteurs, des martyrs ou des bourreaux, et ce n’est certainement pas la faute du christianisme si les catholiques ont inventé l’inquisition et les tortures.

Ce qui me choque dans les dévots en général, ce ne sont pas les défauts qui tiennent invinciblement à leur organisation, c’est l’absence de logique de leur vie et de leurs opinions. Ils ont beau dire, ils font comme faisait ma mère : ils en prennent et ils en laissent, et ils n’ont pas ce droit que ma mère s’arrogeait, avec raison, elle qui ne se piquait point d’orthodoxie. Quand j’ai été dévote, je ne me passais rien, et je ne