Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

faisais pas un mouvement sans m’en rendre compte et sans demander à ma conscience timorée s’il m’était permis de marcher du pied droit ou du pied gauche. Si j’étais dévote aujourd’hui, je n’aurais peut-être pas l’énergie d’être intolérante avec les autres, parce que le caractère ne s’abjure jamais ; mais je serais intolérante vis-à-vis de moi-même, et l’âge mûr conduisant à une sorte de logique positive, je ne trouverais rien d’assez austère pour moi. Je n’ai donc jamais compris les dames du monde qui vont au bal, qui montrent leurs épaules, qui songent à se faire belles, et qui pourtant reçoivent tous leurs sacremens, ne négligent aucune prescription du culte, et se croient parfaitement d’accord avec elles-mêmes. Je ne parle pas ici des hypocrites, ce ne sont point des dévotes ; je parle de femmes très naïves et à qui j’ai souvent demandé leur secret pour pécher ainsi sans scrupule contre leur propre conviction, et chacune me l’a expliqué à sa manière, ce qui fait que je ne suis pas plus avancée qu’auparavant.

Je ne comprends pas non plus certains hommes qui croient de bonne foi à l’excellence de toutes les prescriptions catholiques, qui en défendent le principe avec chaleur, et qui n’en suivent aucune. Il me semble que si je croyais tel acte meilleur que tel autre, je n’hésiterais pas à l’accomplir. Il y a plus, je ne me pardonnerais pas d’y manquer. Cette absence de logique