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DE GRIBOUILLE

— Parlez, ma chère marraine, s’écria Gribouille ; pour vous assurer la victoire et pour sauver ce malheureux pays, il n’y a rien que je ne sois capable de souffrir.

— Et si c’était la mort ? dit la reine des prés d’une voix si triste que les chauves-souris, les lézards et les araignées du cachot de Gribouille en furent réveillés tout en sueur.

— Si c’est la mort, répondit Gribouille, que la volonté des puissances célestes soit faite ! Pourvu que vous vous souveniez de moi avec affection, ma chère marraine, et que, dans l’île des Fleurs, on chante quelquefois un petit couplet à la mémoire du pauvre Gribouille, je serai content.

— Eh bien, dit la fée, apprête-toi à mourir, Gribouille, car demain éclatera une nouvelle guerre plus terrible que celle qui existe aujourd’hui. Demain tu périras dans les tourments, sans un seul ami auprès de toi, et sans avoir même la consolation de voir le triomphe de mes armes, car tu seras une des premières victimes de la fureur du roi des bourdons. T’en sens-tu le courage ?

— Oui, ma marraine, » dit Gribouille.

La fée l’embrassa et disparut.

Jusqu’au jour, qui fut bien long à venir, le pauvre Gribouille, pour combattre l’effroi de la mort, chanta, dans son cachot, d’une voix suave et touchante, les belles chansons qu’il avait apprises dans l’île des Fleurs.