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HISTOIRE

savant que moi, puisque j’ai donné à tous mes enfants ma sagesse et ma science.

— Est-ce donc que vous allez nous quitter pendant ces cent ans ? dit Gribouille ; j’en mourrais de regret, car je vous aime de tout l’amour que j’aurais eu pour ma mère si elle l’eût permis.

— Je ne te quitterai pas, pour un si court moment que j’ai à passer près de toi et de mes autres enfants, dit la reine. Je reste au milieu de vous ; tu me verras toujours, tu pourras toujours venir près de moi pour me parler et me questionner ; mais tu vois, tes frères et tes sœurs sont impatients de te réjouir et de te fêter. N’y sois pas insensible, car toute cette joie, tout ce bonheur dont tu les vois enivrés, se changeraient en tristesse et en larmes si tu ne les aimais pas comme ils t’aiment.

— À Dieu ne plaise ! » s’écria Gribouille. Et il s’élança au milieu de la fête.

Gribouille ne se demanda pas pourquoi tout ce monde si bon, si beau et si heureux avait tant d’amitié pour un pauvre petit étranger comme lui, sorti du monde des méchants. Il ne se permit pas de douter que la chose fût vraie et certaine. Il sentit tout d’un coup que c’est si doux d’être aimé, qu’il faut vite en faire autant et ne point se tourmenter d’autre chose au monde.