Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

humaines, en formant le cœur et l’esprit des enfants (de ce qu’on a de plus cher dans la famille), ce rôle de pédagogue, asservi parfois et dominé jusqu’à un certain point par des exigences outrageantes, n’avait jamais frappé Laurent ; madame de T*** l’avait appelé et accueilli dans sa maison, comme un nouveau membre de sa famille ; elle l’avait traité comme l’ami le plus respecté, comme quelque chose entre le fils et le frère. Cependant, depuis quelques semaines, cette confiante intimité, au lieu de faire des progrès naturels, s’était insensiblement refroidie. La politesse et les égards avaient augmenté à mesure qu’une certaine contrainte s’était fait sentir. Laurent en avait beaucoup souffert. Dans sa modestie naïve, il n’avait rien deviné, et, maintenant qu’un élan de passion jalouse et désolée le retenait brusquement, il s’imaginait être le jouet d’un caprice déraisonnable, inouï. Sa fierté n’était pas seule en jeu, car lui aussi il aimait, le pauvre Jacques, il était éperdument épris d’Alice, et son cœur se brisa au moment où il eût dû s’épanouir.

— Vous voudrez bien me pardonner, dit-il d’un ton un peu altier ; mais il m’est impossible, Madame, de ne rendre maintenant à votre désir.

En disant cela, les larmes lui vinrent aux yeux.