Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/114

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moi de savoir si, à l’exemple de ma famille, je dois la repousser avec mépris, ou si, dirigée par des motifs plus élevés que ceux de l’orgueil et du préjugé, je dois l’admettre auprès de moi comme la veuve de mon frère.

— Vous m’embarrassez beaucoup, répondit Jacques après avoir hésité un instant ; je ne connais pas assez le monde, je ne puis pas assez bien juger la personne… dont il est question pour me permettre d’avoir un avis.

— Cela est impossible : si on n’a pas un avis formulé, décisif, on a toujours, sur quelque chose que ce soit, un sentiment, un instinct, un premier mouvement. Si vous refusez de me dire votre impression personnelle, j’en conclurai naturellement que vous ne prenez aucun intérêt à ce qui me touche, et que vous n’avez pas pour moi l’amitié que j’ai pour vous ; car, si vous m’adressiez une question relative à votre conscience et à votre dignité, je sens que je mettrais une extrême sollicitude à vous éclairer.

Il y avait longtemps que madame de T*** n’avait repris avec Jacques ce ton d’affectueux abandon, qui lui avait été naturel et facile dans les commencements, et qui maintenant devenait de plus en plus l’effort d’une passion qui veut se donner le change