Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/163

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l’ivresse croissante de Jacques. Tout était vrai dans l’expression d’Isidora ; sa voix sonore, son regard humide, son sein agité ; mais son exaltation, pour être sentie, n’en était pas moins appliquée à une assertion peu vraisemblable, et la sagesse, la modestie du jeune homme, se débattaient encore contre les séductions d’un genre de flatterie où les femmes sont toutes-puissantes. Son humble fortune, son nom ignoré, son extérieur timide, rien en lui ne pouvait tenter la cupidité ou la vanité d’une telle femme. Et puis, s’il est vrai que les femmes sont crédules aux doux mensonges de l’amour, il faut bien avouer que, par nature et par position, les hommes le sont bien davantage.

La lutte était engagée. Isidora voulait ardemment la victoire, non qu’elle eut conservé les mœurs de la galanterie. Il n’est rien de plus froid à cet égard que la femme qui a abusé de la liberté, rien de plus chaste, peut-être, que celle qui rougit d’avoir mal vécu. Mais il y a dans ces âmes-là, et il y avait dans la sienne en particulier, un insatiable orgueil. Elle ne pouvait se résoudre à perdre Jacques malgré elle, elle qui avait eu la force de le quitter. Le danger d’échouer, l’étonnement de sa résistance, étaient des stimulants à cette passion moitié sentie, moitié