Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/164

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factice. Dans l’excitation nerveuse qu’elle éprouvait, elle pouvait, sans efforts et sans fausseté, parcourir tous les tons, et s’identifier, à la manière des grands artistes, avec toutes les nuances de son improvisation brûlante. Elle frappa le dernier coup en s’humiliant devant Jacques :

— Ne me hais pas ; oh ! je t’en prie, ne me hais pas ! lui dit-elle en courbant presque sur son sein les flots de sa noire chevelure. Ne crois pas que je sois indigne de ta pitié. Vois où l’amour m’a réduite ! moi qui la repoussais si fièrement autrefois, quand tu me l’offrais, cette pitié sainte, je te la demande aujourd’hui. Je te la demande au nom de cette femme que j’ai calomniée tout à l’heure, si c’est calomnier le plus pur des anges de supposer qu’il t’aime. Mais si ta modestie farouche repousse cette idée comme un crime, je la rétracte et je désavoue les paroles que la jalousie m’a arrachées. Oui, la jalousie, je le confesse. Cette femme que j’adorais, que j’adore toujours dans sa bonté simple et courageuse, j’étais au moment de la haïr en songeant… Mais je ne veux même pas répéter les mots qui t’offensent. Sois sûr que le bon principe est assez fort en moi pour triompher, et qu’il triomphe déjà. J’étoufferai, s’il le faut, l’amour qui me dévore,