Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/165

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pour rester digne de l’amitié qu’elle m’offre. Eussé-je encore d’insolents soupçons, je les refoulerai dans mon sein, je la respecterai comme tu la respectes. Seras-tu content, Jacques, et croiras-tu que je t’aime ?

Jacques vit à ses pieds l’orgueilleuse Isidora, et soit que l’homme devienne plus faible que la femme quand il s’agit de donner le change à un véritable amour, soit qu’à bout de souffrance dans ses désirs ignorés pour Alice, il espérât guérir un mal inutile et funeste en s’enivrant de voluptés puissantes, il chercha l’oubli du présent dans le délire du passé.

Isidora eût souhaité des émotions plus douces et plus profondes. Ce ne ne fut pas sans douleur et sans effroi qu’elle accepta son facile triomphe. Elle fut sur le point de le repousser en échange d’un mot et d’un regard adressés à la Julie d’autrefois. Elle arracha bien a son amant ce doux nom qui, pour elle, résumait tout son rêve de bonheur ; mais la familiarité d’un amour accepté lui ôta tout son prestige. Elle se livra sans confiance et sans transport, à travers des larmes amères qu’elle interpréta comme des larmes de joie ; mais elle sentit avec un affreux désespoir qu’elle mentait et qu’elle n’avait pas de plus noble plaisir que celui de rendre Jacques infidèle à une femme austère et plus désirable qu’elle.