Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/175

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serre, où elle voulut rester seule quelques instants avant de la faire avertir. Il y avait là quelque désordre, un coussin de velours tombé dans le sable, quelques belles fleurs brisées autour de la fontaine. Alice eut un frisson glacé ; mais aucun soupir ne trahit, même dans la solitude, l’émotion de son âme profonde.

Elle allait sa diriger enfin vers le pavillon, lorsque Isidora parut devant elle, en robe blanche sous une légère mante noire. Isidora était fière de porter en public ce deuil qui la faisait épouse et veuve ; mais elle haïssait cette sombre couleur et ce souvenir de mort. N’attendant pas si tôt la visite de sa belle-sœur, elle cachait à peine sous sa mante cette toilette du matin, molle et fraîche, dans laquelle elle se sentait renaître. Pourtant le visage de la superbe fille était fort altéré. Sa beauté n’en souffrait pas ; elle y gagnait peut-être en expression ; mais il était facile de voir à son œil plombé et à sa riche chevelure à peine nouée, qu’elle avait peu dormi et qu’elle avait eu hâte de se retremper dans l’air du matin. Il était à peine neuf heures.

Elle fit un léger cri de surprise, puis, comme charmée, elle s’élança vers Alice ; mais, dans son rapide regard, je ne sais quelle farouche inquiétude se trahit en chemin.