Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/18

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Tu es souverainement juste, souverainement bon ; tu n’as pas pu asservir, dans tes sublimes desseins, l’esclave au maître, le pauvre au riche, le faible au fort, la femme à l’homme par conséquent ; et je saurais alors établir ces différences qui marquent les sexes de signes divins, et qui les revêtent de fonctions diverses sans élever l’un au-dessus de l’autre dans l’ordre des êtres humains. Mais je ne sais point expliquer ces différences, et je ne suis assez lié avec aucune femme pour qu’elle puisse m’ouvrir son âme et m’éclairer sur ses véritables aptitudes. Étudierai-je la femme seulement dans l’histoire ? Mais l’histoire n’a enregistré que de puissantes exceptions. Le rôle de la femme du peuple, de la masse féminine, n’a pas d’initiative intellectuelle dans l’histoire.

Depuis huit jours que la boue et le froid noir me retiennent prisonnier, je n’ai pas vu d’autre visage féminin que celui de ma vieille portière : serait-ce là une femme ? Ce monstre me fait horreur. C’est l’emblème de la cupidité, et pourtant elle est d’une probité à toute épreuve ; mais c’est la probité parcimonieuse des âmes de glace, c’est le respect du tien et du mien poussé jusqu’à la frénésie, jusqu’à l’extravagance. Être réduit par la pauvreté à regarder comme un bienfaiteur un être semblable, parce qu’il