Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/190

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moi, par les mêmes hasards, mais avec d’autres intentions et d’autres moyens. J’abhorre l’intrigue, et j’éprouve une sorte de consolation à écraser ces femmes-là du mépris qu’elles m’inspirent.

« Mais, hélas ! pour valoir mieux qu’elles, je n’en suis que plus malheureuse. Ne pouvant m’amuser à la possession des bijoux et des voitures, à la conquête des révérences et à l’exhibition d’une couronne de comtesse sur mes cartes de visite, j’ai l’âme remplie d’un idéal que je n’ai jamais pu, et que, moins que jamais, je puis atteindre. Le manque d’amour me tue, et le besoin d’être aimée me torture… Et pourtant je ne suis pas sûre de n’avoir pas perdu moi-même, au milieu de tant de souffrances, la puissance d’aimer.

« Ah ! la voilà, cette révélation qui vous effraie et à laquelle vous n’osiez pas vous attendre ! Je vous ai devinée, Alice, et je sais bien ce qui a disposé votre grand cœur à m’absoudre de toute ma vie. Dans votre vie de réserve et de pudeur, à vous, vous vous êtes dit avec l’humilité d’un ange, que les femmes comme moi avaient une sorte de grandeur incomprise, qu’elles se rachetaient devant Dieu par la puissance de leurs affections, et que, comme à Madeleine, il leur serait beaucoup pardonné, parce