Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/191

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qu’elles ont beaucoup aimé. Hélas ! vous n’avez pas compris que Dieu serait trop indulgent, s’il permettait aux âmes qui abusent de ses dons de ne pas arriver à la satiété et à l’impuissance. Le châtiment est là pour le cœur de la femme, comme pour les sens du débauché.

« Et ce malheur incommensurable n’est pas l’expiation des âmes vulgaires, sachez-le bien. J’ai été frappée, en Italie, de la différence qui existait entre moi et presque toutes ces femmes d’une organisation à la fois riche et grossière. Elles avaient bien aussi des alternatives d’illusion et de déception, mais leurs sens sont si actifs, que leur illusion n’est pas tuée par ses nombreuses défaites. J’ai connu à Rome une jeune fille de vingt ans, qui me disait tranquillement, en comptant sur ses doigts : « J’ai aimé trois fois, et j’ai toujours été trompée ; mais, cette fois-ci, je suis bien sûre d’être aimée, et de l’être pour toujours. » Huit jours après, elle était trahie ; elle fut d’abord folle, puis malade à mourir ; puis, quand elle fut guérie, il se trouva qu’elle était passionnément éprise du médecin qui l’avait soignée, et qu’elle disait encore : « Cette fois-ci, c’est pour toujours. » J’ignore la suite de ses aventures ; mais je gagerais qu’elle est aujourd’hui à son dixième