Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/194

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appelant sur elle la bénédiction de la grâce divine.

— Et maintenant, dit Julie tout en pleurs, je raconterai le fait le plus caché et le plus important de ma vie, mon seul amour !… C’est un homme que vous connaissez… qui demeure chez vous… qui vous a sans doute parlé de moi…

— Oui, c’est Jacques Laurent, répondit Alice avec un calme héroïque.

Ce nom, dans la bouche de madame de T***, fit frissonner Isidora. Elle redevint farouche un instant et plongea son regard dans celui d’Alice ; mais elle ne put pénétrer dans cette âme invincible, et la courtisane jalouse et soupçonneuse fut trompée par la femme sans expérience et sans ruse. C’est peut-être la plus grande victoire que la pudeur ait jamais remportée.

— Elle ne l’aime pas, je peux tout dire, pensa Isidora.

Et elle dit tout, en effet. Elle raconta son histoire et celle de Jacques, dans les plus chauds détails. Elle n’omit des événements de la nuit que les soupçons qu’elle avait eus sur sa rivale ; elle les oublia plutôt qu’elle ne les voulut celer. Ne les ressentant plus, heureuse d’aimer Alice sans avoir à lutter contre de mauvais sentiments, elle dévoila, avec son éloquence animée, ce triste roman qu’elle