Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/195

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voyait enfin se dessiner nettement dans ses souvenirs. Elle confessa même que, sans le vouloir, sans le savoir, entraînée par un prestige de l’imagination, elle avait exagéré à Jacques la passion qu’elle avait conservée pour lui ; et, quand elle eut fait cette confession courageuse, elle ajouta :

— C’est là le dernier trait de ce malheureux caractère que je ne peux plus gouverner, le plus évident symptôme de cette maladie incurable à laquelle je succombe. Le besoin d’être aimée m’a fait croire à moi-même que j’aimais éperdument, et je l’ai affirmé de bonne foi ; j’en ai protesté avec ardeur. Il l’a cru, lui : comment ne l’eût-il pas fait, quand je le croyais moi-même ? Eh bien, j’ai gâté mon roman en voulant le reprendre et le dénouer. Le premier dénouement, brusqué dans la souffrance, l’avait laissé complet dans ma pensée. À présent, il me semble qu’il ne vaut guère mieux que tous les autres, et que le héros ne m’est plus aussi cher. Il me semble que j’ai fait une mauvaise action en voulant prendre possession de son âme malgré lui. À coup sûr, j’ai manqué à ma fierté habituelle, à mon rôle de femme, en n’ayant pas la patience d’attendre qu’il se renflammât de lui-même. Quel doux triomphe c’eût été pour moi de voir peu à peu revenir à mes pieds, en suppliant, cet homme