Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/196

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que j’avais si rudement abandonné au plus fort de sa passion, et qui a dû me maudire tant de fois ! Et ne croyez pas que ce regret soit un pur orgueil de coquette : oh ! non. Je ne demande à inspirer l’amour que pour réussir à y croire ou à le partager. J’ai donc empêché cet amour de renaître en voulant le rallumer précipitamment. Là encore ma soif maladive m’a fait renverser la coupe avant de boire, ou, pour employer une comparaison plus vraie, le froid mortel qui me gagne et m’épouvante m’a forcée à me jeter dans le feu, où je me suis brûlée sans me réchauffer. Ah ! condamnez-moi, noble Alice, et reprochez-moi sans pitié ce désordre et cette fièvre d’abuser, qui, de mon ancienne vie de courtisane, a passé jusque dans mes plus purs sentiments ; ou plutôt plaignez moi, car je suis bien cruellement punie ! punie par ma raison, que je ne puis ni reprendre ni détruire ; par la délicatesse de mon intelligence, qui condamne ses propres égarements ; par mon orgueil de femme, qui frémit d’être si souvent compromis par ma vanité de fille. J’étais jalouse, cette nuit… jalouse, sans savoir de qui !… J’aurais accusé Dieu même de s’être mis contre moi pour m’enlever l’amour de cet homme ! et j’ai cru qu’en le rendant infidèle à sa nouvelle amante, je le