Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/206

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frappait de respect et d’une sorte de terreur. Il avait cru découvrir là qu’un grand secret remplissait la vie de cette femme silencieuse et contenue. Mais quelle pouvait être la nature d’un tel secret ? Était-ce une douleur de l’âme ou une souffrance physique soigneusement cachée ? Peut-être, hélas ! l’accès d’un mal mortel étouffé avec stoïcisme depuis longtemps. Depuis six mois, il remarquait bien qu’Alice pâlissait et maigrissait d’une manière sensible ; mais comme elle ne se plaignait jamais et paraissait d’une constitution robuste, il n’en avait pas encore pris de l’inquiétude. Que croire maintenant ? Sa veillée solitaire dans une si profonde absorption était-elle le résultat ou la cause du mal ? Quoi que ce fût, il y avait là dedans quelque chose de solennel et de mystérieux que Jacques n’osait pas dire avoir surpris. À peine put-il se hasarder à demander si madame de T***. n’avait pas pris un rhume.

— Non pas, que je sache, répondit-elle simplement. Ce n’est pas la saison des rhumes.

Et tout fut dit. Jacques ne devait pas savoir qu’il avait assisté au suicide d’une passion profonde, et qu’il était la cause de ce suicide, l’objet de cette passion.

Le repas fini, Alice voulut se lever pour retourner