Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/216

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I. — Et pourquoi n’ai-je pas su souffrir ? pourquoi ai-je voulu être heureux en étant juste ? Mon Dieu, suprême sagesse, suprême bonté ! vous qui pardonnez à nos faibles aspirations et qui ne condamnez pas sans retour vous savez pourtant que je demandais peu de chose sur la terre. Je ne voulais ni richesses, ni gloire, ni plaisirs, ni puissance : oh ! vous le savez, je ne soupirais pas après les vanités humaines ; j’acceptais la plus humble condition, la plus obscure influence, les privations les plus austères. Quand la misère ployait mon pauvre corps, je ne sentais d’amertume dans mon cœur que pour la souffrance de mes frères… Tout ce que je me permettais d’espérer, c’était de trouver dans mon abnégation sa propre récompense, une âme calme, des pensées toujours pures, une douce joie dans la pratique du bien…

Et quand l’amour est venu s’emparer de ma jeunesse, quand une femme m’est apparue comme le résumé des bienfaits de votre providence, quand j’ai cru qu’il suffisait d’aimer de toute la puissance de mon être pour être aimé avec droiture et abandon, il s’est trouvé que cet être si fier et si beau était maudit, que cette fleur si suave avait un ver rongeur dans le sein, et que je ne serais aimé