Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et je lui ai dit à jamais adieu dans mon cœur. Je vous écris de ma première station, station sur la route d’Italie, et probablement il ignore encore, à l’heure qu’il est, que j’ai quitté Paris et brisé sa chaîne ! Voyez combien je suis guérie ! Je désire qu’il l’apprenne avec joie, et la seule tristesse que j’éprouve, c’est la crainte de lui laisser quelque regret.

« Pourquoi donc tardons-nous tant à faire ce qui est juste et bon ? Quelle fausse idée nous attachons à l’importance de nos sacrifices et à la difficulté de notre courage ! Il y a plus d’un an que je regarde comme une angoisse mortelle le détachement que je porte aujourd’hui dans mon cœur avec une sorte de volupté. Je ne savais pas que la conscience d’un devoir accompli pouvait offrir tant de consolation. Ma naïveté à cet égard doit vous faire sourire. Hélas ! c’est apparemment la première fois que je cède à un bon mouvement sans arrière-pensée. Puissé-je tirer de cette première et grande expérience la force d’abjurer dans l’avenir mon aveugle et impérieuse personnalité !

« Pourquoi ne m’avez-vous pas aidée, chère Alice, à entrer dans cette voie ? Ah ! si vous aviez aimé Jacques, avec quel enthousiasme je l’aurais rendu à la liberté !… Et pourtant, hier encore, je