Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/58

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— La rose est enivrante, répondis-je, mais elle ne vit qu’un instant. Je voudrais lui donner la persistance et la durée du camélia blanc, symbole de pureté.

— C’est cela, tu voudrais lui enlever sa couleur et son parfum, et tu oserais dire aux jardiniers de ton espèce : « Voyez, chers cuistres, mes frères, quel beau monstre vient d’éclore sous mon châssis ! » Tiens, froid rêveur, regarde toutes ces femmes qui sont ici ! Je voudrais te faire soulever leurs masques et lire dans leurs âmes. La plupart sont belles, belles de corps et d’intelligence. Celles que tu croirais les plus dépravées sont souvent celles qui ont le plus tendre cœur, l’esprit le plus spontané, les plus nobles intelligences, les entrailles les plus maternelles, les dévouements les plus romanesques, les instincts les plus héroïques. Songes-y, malheureux, toutes ces femmes de plaisir et d’ivresse, c’est l’élite des femmes, ce sont les types les plus rares et les plus puissants qui soient sortis des mains de la nature ; et c’est pourquoi, grâce aux législateurs pudiques de la société, elles sont ici, cherchant l’illusion d’un instant d’amour, au milieu d’une foule d’hommes qui feignent de les aimer, et qui affectent entre eux de les mépriser. Les plus beaux et les meilleurs êtres de la création sont là,