Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/69

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— Jacques, vous allez me suivre chez moi. Ce n’est pas une aventure ; je sais qu’elle ne serait pas de votre goût, et il n’est pas certain qu’elle fût du mien.

Que ce fût la colère dont j’étais à peine remis, ou la pitié pour elle, ou quelque intérêt subit plus tendre que je ne voulais me l’avouer, je ne me sentais plus sous l’empire de la raison. Il faut que j’avoue aussi que la crainte de découvrir la vieillesse et la laideur sous son masque avait agi à mon insu sur mon imagination. Le dandy, qui croyait me dégoûter d’elle en m’apprenant (ce qu’il ne supposait pas que je pusse ignorer), qu’elle était la plus belle femme de Paris, avait étrangement manqué sa vengeance. Le prestige de la beauté, lors même qu’il n’agit pas encore sur les yeux, est tout puissant sur un cerveau aussi impressionnable que le mien. J’entourai de mes bras ma tremblante conquête, et perdant tout mon orgueil de pédagogue, je la suppliai de ne pas me croire indigne d’un de ces moments d’amour qu’elle m’avait fait rêver si doux et si terribles. Elle tressaillit et s’arracha de mes bras à plusieurs reprises ; enfin elle me dit :

— Prenez garde, Jacques, que ma figure ne soit pour vous la tête de Méduse !… Vous allez me voir,