Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/8

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26 décembre. — Je n’ai pu travailler hier soir, le vent a tourné au nord. Je me suis senti paralysé de corps et d’âme. Les nuits sont si froides et le bois coûte si cher ici ! Quand je devrais mourir à la peine, je ne sortirai pas de cette pauvre mansarde, je ne quitterai pas ce sombre et dur Paris sans avoir résolu la question qui m’occupe. Elle n’est pas de médiocre importance dans mon livre : régler les rapports de l’homme et de la femme dans la société, dans la famille, dans la politique ! Je n’irai pas plus avant dans mon traité de philosophie, que je n’aie trouvé une solution aux divers problèmes que cette formule soulève en moi. J’admire comme ils l’ont cavalièrement et lestement tranchée tous ces auteurs, tous ces utopistes, tous ces métaphysiciens, tous ces poëtes ! Ils ont toujours placé la femme trop haut ou trop bas. Il semble qu’ils aient tous été trop jeunes ou trop vieux. Mais moi-même, ne suis-je pas trop jeune ? Trente ans, et trente ans de chasteté presque absolue, c’est-à-dire d’inexpérience presque complète ! Il y en a qui penseraient que cela m’a rendu trop vieux. Il est des moments où, dans l’horreur de mon isolement, je suis épouvanté moi-même de mon peu de lumières sur la question. Je crains d’être au-dessous de ma tâche ; et si je m’en croyais,