Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/102

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bénissent. Tous trois cependant vous êtes blâmés par les sots qui vous envient. Peu importe, si vous réussissez, mais il faut réussir promptement et officiellement. Vos parents vont déjà disant partout que c’est une affaire faite, et que vous l’annoncez. Je venais donc ici avec la certitude que M. Butler me l’annoncerait, à moi : eh bien, il m’a parlé de vous avec affection, sans pourtant me dire un mot de mariage, et voilà ce qui m’étonne. Il est encore si faible, que je n’ai pas voulu le questionner, mais j’imagine bien que vous aviez sa parole avant de passer trois nuits à son chevet ?

— J’avais son assentiment, je vous l’ai dit.

— Oui, mais vous ne m’avez pas dit que sa fille vous eût donné le sien. Vous l’a-t-elle donné ?

J’éprouvai encore une fois combien les préliminaires et les négociations du mariage sont choses indélicates et cruelles. Il me fallait donc, pour justifier mon amour, trahir celui de Love, raconter les circonstances de son premier baiser, les livrer aux commentaires d’un tiers, enfin effeuiller brutalement la première fleur de mon espérance !…

Et, d’ailleurs, une terreur soudaine s’emparait de moi… Était-ce bien un baiser d’amour que j’avais reçu ? Et si ce n’était qu’une effusion de reconnaissance naïve, un enthousiasme fraternel né de l’ado-