Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/192

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J’avisai un colporteur qui se reposait sous un arbre, dans un endroit désert. Je me souvenais que ces gens vendaient quelquefois des vêtements tout faits aux gens du peuple. Celui-ci n’en avait pas, mais il me désigna un hameau voisin où un de ses confrères était en train d’en proposer aux habitants. Je m’y rendis aussitôt. Je trouvai l’homme, et j’achetai un pantalon de velours de coton et une blouse de toile bleue. Un peu plus loin, je me procurai une grosse chemise. Mon chapeau de paille était convenablement usé et déformé. Je remis dans mon sac de voyage les vêtements du touriste ; je me chaussai, jambes nues, dans de gros souliers de paysan. Je coupai ma barbe avec des ciseaux, de manière à lui laisser l’aspect d’une barbe de huit jours. Je pris cependant sur moi les papiers nécessaires et l’argent dont M. Louandre m’avait muni. Je cachai le sac dans un mouchoir à carreaux noué aux quatre coins, et je sortis du bois où j’avais fait ma toilette et où je m’étais à dessein roulé sur la terre, frotté aux arbres et déchiré aux épines, dans un état de transformation très-satisfaisant. Dès lors je m’avançai hardiment sur la route, et je pris mon repas dans un cabaret à Champeix ; après quoi, je franchis d’un pas léger la sauvage gorge granitique qui serpente avec la Couze en se dirigeant vers Saint-Nectaire.