Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/205

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autre mouchoir, essuya ses yeux, et les épongea même avec soin pour faire disparaître toute trace de chagrin sur son visage condamné au sourire de la sécurité. Puis elle se leva et disparut.

Mon Dieu ! à quoi, à qui avait-elle donc songé ? À son père ou à son frère, menacés dans leur bonheur et dans leur fortune ? À coup sûr, ce n’était pas mon souvenir qui l’attendrissait. Elle me croyait heureux, guéri ou mort. Je pris, à la fenêtre brisée, la place qu’elle venait de quitter. Un éclair de jalousie me traversa le cœur. Peut-être aimait-elle quelqu’un, à qui, pas plus qu’à moi, elle ne croyait pouvoir appartenir, et cet infortuné, dont j’étais réduit à envier le sort, était peut-être là, caché comme moi quelque part, mais visible pour elle seule et appelé à quelque douloureux rendez-vous de muets et lointains adieux !

Il n’y avait personne. Le tonnerre commençait à gronder. Les bergers s’étaient mis partout à l’abri. Le pic de Diane, revêtu d’herbe fine et jeté au creux du vallon, dessinait sur le fond du tableau des contours veloutés qui semblaient frissonner au vent d’orage. Je ramassai une fleur d’ancolie que Love avait froissée machinalement dans ses mains en rêvant, et qui était restée là. J’y cherchai puérilement la trace de ses larmes. Oh ! si j’avais pu en recueillir une, une seule de ces larmes mystérieuses ! il me semblait que je lui