Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/260

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larmes secrètes autant que M. Butler l’était dans ses chères études, il m’avait manqué, comme à lui, de sentir l’autorité identifiée avec la tendresse ; mais, comme la tendresse de ma mère n’était pas démonstrative, je n’avais pas senti comme lui à toute heure combien j’étais aimé, et j’avais éprouvé le besoin impérieux de l’être ardemment par un cœur plus vivant et plus jeune. Cela m’avait peut-être rendu aussi injuste et aussi exigeant envers Love que l’avait été Hope par suite de besoins contraires. Il avait toujours eu sa tendresse ; il n’avait pas voulu la partager, parce qu’il n’en concevait aucune autre. Tous deux, nous la voulions tout entière, et la pauvre Love, ne sachant à qui se donner, ne s’était donnée à personne ; victime de deux égoïsmes, elle était peut-être devenue égoïste à son tour, en demandant au repos de l’âme et à la sécurité de l’indépendance un bonheur que nous n’avions pas su lui créer.

En résumé, je jugeai Hope parfaitement sain d’esprit et de corps, comme il l’était en effet, et je vis que les seules dispositions inquiétantes à mon égard étaient désormais celles de Love.

Il y avait des moments où je m’imaginais qu’elle m’avait parfaitement reconnu dès le premier jour, et que le baiser de la veille n’était pas l’excentricité d’un cœur charitable ou l’aberration d’une idéale chasteté.