Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/284

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— Et qui vous forcera de dire que vous m’avez reconnu avant elle ?

— La vérité, monsieur, la vérité. Je ne sais pas mentir, moi, Junius Black ; je n’ai jamais menti !

— Alors vous blâmez ce déguisement comme un mensonge.

— Un peu, oui, je l’avoue. Seulement, je me dis : « C’est l’amour, » et je ne sais pas ce que l’amour ferait de moi, s’il s’emparait de ma cervelle. Cela n’est jamais arrivé, et j’espère bien que cela n’arrivera jamais ; mais enfin je sais que l’amour fait faire des choses étranges, et c’est parce que je ne le connais pas que je ne puis juger de la dose de libre arbitre qu’il nous laisse. Quoi qu’il en soit, je ne vous promets rien, entendez-vous ?

— Eh bien, faites ce que vous voudrez. Je pars. Adieu, M. Black. Dites à miss Butler que j’ai souffert tout ce qu’un homme peut souffrir,… ou plutôt ne lui dites rien. Elle n’entendra plus jamais parler de moi. Adieu !

M. Black, qui était réellement un homme sensible et naïf sous sa froide enveloppe, m’arrêta en me prenant par le bras avec une touchante gaucherie.

— Non, mon cher ami, non ! s’écria-t-il ingénument, vous ne vous en irez pas comme ça, quand je sais, moi, ou quand je me persuade du moins que