Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/307

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pide, comme font les chevaux courageux quand ils sont chargés, l’animal comprenant tout aussi bien que l’homme que l’ardeur de la volonté allège seule la fatigue.

Il n’y avait plus trace de sentier. Nous gravissions des touffes de gazon toutes rondes, jetées par les pluies en escaliers capricieux et trompeurs sur des talus de gravier. Les pieds des animaux avaient achevé de dégrader le flanc de la montagne. J’éprouvai là une fatigue qui tenait du vertige, mais ce ne fut qu’aux premiers moments. Je fus bientôt pris de cette fièvre qui décuple les forces, et je portai Love sans respirer jusqu’à la Dordogne, qui commence à sourdre au jour au milieu d’une vaste nappe de neige immaculée.

Nous avions beaucoup devancé le reste de la caravane. Nous posâmes le fauteuil pour l’attendre, et Leclergue se jeta de son long par terre avec le sans façon permis dans la circonstance et avec un peu d’affectation aussi, pour montrer que la peine valait bien le salaire.

Quant à moi, je restai debout à distance. Love, qui ne pouvait faire un pas, m’appela, et, me voyant couvert de sueur sous la bise glacée, elle m’ordonna de prendre son manteau, que je refusai obstinément.