Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/102

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et dévastés, je me demande en quel coin nous irons vivre et avec quoi ? Je ne sais pas du tout, mais la facilité avec laquelle on s’abandonne personnellement aux événements qui menacent tout le monde est une grâce de circonstance. On dit le pour et le contre sur la guerre actuelle. Tantôt l’ennemi est féroce, tantôt il est fort doux : on n’en parle qu’avec excès en bien ou en mal, c’est l’inconnu. Si j’étais seule, je ne songerais pas seulement à bouger : on tient si peu à la vie dans de tels désastres ! mais dans le doute j’emporterai mes enfants ou je les ferai partir.

De retour à La Châtre, je revois d’anciens amis qui, de tous les côtés menacés, sont venus se réfugier dans leurs familles. J’apprends avec douleur que Laure *** est malade sans espoir, qu’on ne peut pas la voir, qu’elle est là et que je ne la reverrai probablement plus ! Autre douleur : il faut voir partir notre jeune monde, comme nous l’appelions, mes trois petits-neveux et les fils de deux ou trois amis intimes : c’était la gaieté de la maison, le bruit, la discussion, la