Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/119

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« — Supprimons les canons, prenez-nous corps à corps, et vous verrez ! Mais vous ne vous y risquez plus, vous reculez devant l’arme des braves, vous avez vos machines, et nous ne les avons pas ; nous faisons la guerre selon l’inspiration du point d’honneur, nous ne sommes pas capables de nous y préparer pendant vingt ans ; nous sommes si incapables de haïr ! On nous surprend comme des enfants sans rancune qui dorment la nuit parce qu’ils ont besoin d’oublier la colère du combat. Nous tombons dans tous les pièges ; notre insouciance, notre manque de prévision, nos désastres, vous ne les comprenez pas ! Vous les comprendrez plus tard, quand vous aurez effacé la tache de vos victoires par le remords de les avoir remportées. Vous pénétrerez un jour l’énigme de notre destinée, quand vous passerez à votre tour par le martyre qu’il faut subir pour devenir des hommes. Nous ne le sommes pas encore, nous qui, depuis un siècle, souffrons tous les maux des révolutions ; mais voici que, grâce à vous, nous allons le devenir plus vite,