Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/209

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On sait des gens qui se croient capables de gouverner le monde mieux que tout le monde, et qui ne craindraient pas de passer par-dessus un massacre pour s’emparer du pouvoir. Ils sont pourtant très-doux dans leurs mœurs et incapables de massacrer en personne, mais ils chauffent le tempérament irascible d’un groupe plus ou moins redoutable, et se tiennent prêts à profiter de son audace. Je ne parle pas de ceux qui sont poussés à jouer ce rôle par ambition, vengeance ou cupidité. De ceux-là, je ne m’occupe pas ; mais de très-sincères théoriciens accepteraient les conséquences de ce dilemme : « la république ne pouvant s’établir que par la dictature, tous les moyens sont bons pour s’emparer de la dictature quand on veut avec passion fonder ou sauver la république. »

— C’est une passion sainte, ajoutent-ils, c’est le feu sacré, c’est le patriotisme, c’est la volonté féconde sans laquelle l’humanité se tramera éternellement dans toutes les erreurs, dans toutes les iniquités, dans toutes les bassesses.