Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/214

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abusé, et c’est à lui le premier qu’était réservé le châtiment inévitable de s’égarer lui-même après avoir égaré les autres. Il pouvait fonder sur la presque unanimité des suffrages une société nouvelle vraiment grande. Il a fait fausse route dès le début, la France l’a suivi, elle s’est brisée. Serait-elle assez aveugle pour recommencer ?

Ceux qui croient la France radicalement souillée pensent qu’on peut la ressaisir par la corruption. J’ai meilleure opinion de la France, et si je me méfiais d’elle à ce point, je ne voudrais pas lui faire l’honneur de lui offrir la république. J’ai entendu dire par des hommes prêts à accepter des fonctions républicaines :

— Nous sommes une nation pourrie. Il faut que l’invasion passe sur nous, que nous soyons écrasés, ruinés, anéantis dans tous nos intérêts, dans toutes nos affections ; nous nous relèverons alors ! le désespoir nous aura retrempés, nous chasserons l’étranger et nous créerons chez nous l’idéal.