Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

conscrits qui partent : malheur à moi, je n’avais pas rêvé !

Et devant moi se déroule de nouveau cette funeste demi-année dont j’ai bu l’amertume en silence : Mon fils gravement malade pendant seize nuits que j’ai passées à son chevet, — attendant d’heure en heure, durant plusieurs de ces nuits lugubres, que ma belle-fille m’apportât des nouvelles de mes deux petits-enfants sérieusement malades aussi : et puis, quelques jours plus tard, quand le printemps splendide éclatait en pluie de fleurs sur nos têtes, vingt autres nuits passées auprès de mon fils malade encore. Et puis une grande fatigue, le travail en retard, un effort désespéré pour reprendre ma tâche au milieu d’un été que je n’ai jamais vu, que je ne croyais pas possible dans nos climats tempérés : des journées où le thermomètre à l’ombre montait à 45 degrés, plus un brin d’herbe, plus une fleur au 1er juillet, les arbres jaunis perdant leurs feuilles, la terre fendue s’ouvrant comme pour nous ensevelir, l’effroi de manquer d’eau d’un jour à l’autre,