Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/62

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trempe encore ses cimes dans la chaude lumière et figure une rangée de cierges allumés qui expirent un par un sous le vent du soir. Là-bas, dans la fraîche perspective des gorges, les berges des pâturages brillent comme l’émeraude, et les vaches sont en or bruni. Là-haut, les pierres jaumâtres deviennent aussi noires que l’Érèbe, et on distingue leurs ébréchures sur l’horizon en feu. Tout près du précipice que je domine, des maisonnettes montrent discrètement leurs toits blonds à travers les rideaux de feuillage ; des travaux neufs de ponts et chaussées, toujours très-pittoresques dans les pays accidentés, dissimulent leur blancheur un peu crue sous un reflet rosé, et projettent des ombres à la fois fermes et transparentes sur la coupure hardie des terrains. À la déclivité du ravin, sous le rocher très-âpre qui porte le manoir, la terre végétale reparaît en zones étagées où se découpent de petits jardins enclos de haies et remplis de touffes de légumes d’un vert bleu. Tout cela est chatoyant de couleur, et tout cela se fond