Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/244

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monotone et sans saveur ; on l’expose pour un mot, pour un regard, tant elle a peu de prix ! C’est l’indifférence de la vie qui a fait le duel dans nos mœurs. C’est un spectacle fait pour constater l’apathie du siècle, que celui de deux hommes calmes et polis, tirant au sort lequel tuera l’autre sans haine, sans colère et sans profit. Hélas ! Sténio, nous ne sommes plus rien, nous ne sommes plus ni bons ni méchans, nous ne sommes même plus lâches, nous sommes inertes.

— Lélia, vous avez raison, et quand je jette les yeux sur la société, je suis triste comme vous. Mais je vous ai amenée ici pour vous la faire oublier au moins pendant quelques jours. Regardez où nous sommes, cela n’est-il pas sublime, et pouvez-vous penser à autre chose qu’à Dieu ? Asseyez-vous sur cette mousse vierge de pas humains, et voyez à vos pieds le désert dérouler ses grandes profondeurs. Avez-vous jamais rien contemplé de plus sauvage et pourtant de plus